« L’eye-Tracking »

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L’Eye-tracking, oculométrie en français, est un dispositif capable de suivre les mouvements oculaires sur l’écran. L’eye-tracking permet de voir ce que regardent les utilisateurs.

Voir, c’est déjà être observé



L’eye-tracking, ou oculométrie, désigne l’ensemble des techniques capables d’analyser nos mouvements oculaires sur un écran.
Grâce à de micro-caméras, le dispositif suit la trajectoire du regard : les saccades (mouvements rapides entre deux points) et les fixations, ces moments où l’œil s’attarde et signale un traitement de l’information.
Cette technologie, déjà largement utilisée dans les domaines du marketing, de la recherche cognitive ou du design d’interfaces, permet de comprendre comment l’attention se déplace : où elle s’accroche, ce qu’elle ignore, ce qui retient ou distrait l’utilisateur.
En d’autres termes, l’eye-tracking ne se contente pas de mesurer ce que l’on regarde — il révèle ce qui nous intéresse vraiment.
définition de l'eye tracking digital wellness

Une révolution pour comprendre nos comportements



Les applications de l’oculométrie sont multiples.
Dans le neuromarketing, elle aide les marques à repérer les zones qui attirent le plus le regard dans une publicité.
En ergonomie numérique, elle permet de concevoir des interfaces plus intuitives, en plaçant les éléments clés là où l’attention se pose naturellement.
Dans le jeu vidéo ou la réalité virtuelle, elle ouvre la voie à des expériences immersives où l’environnement réagit directement à la direction de notre regard.
Cette précision fascinante peut servir des objectifs vertueux : rendre les outils plus accessibles, améliorer la navigation, affiner la compréhension de la cognition humaine.
Mais, comme souvent avec la technologie, ce qui éclaire peut aussi aveugler.

Quand la donnée visuelle devient une ressource



Là où le clic ou la recherche expriment une intention consciente, le regard, lui, trahit une attention instinctive.
L’eye-tracking ne révèle pas seulement ce que vous choisissez de faire, mais ce que vous ne pouvez pas empêcher de faire.
Et c’est là que les risques apparaissent.
En enregistrant la manière dont nos yeux se fixent sur une couleur, un visage, une forme ou un logo, il devient possible de dresser un portrait comportemental extrêmement précis :
nos émotions, nos préférences, nos réactions inconscientes, voire nos états mentaux (stress, fatigue, excitation).
On parle déjà de fichiers de données basés sur le regard, comparables à des “keyloggers visuels”, capables de consigner chaque micro-attention.
Une perspective vertigineuse pour la publicité ciblée, mais aussi pour la vie privée.

Un nouveau territoire pour la captation de l’attention



L’eye-tracking, couplé à l’intelligence artificielle, pourrait donner naissance à un marketing adaptatif en temps réel :
l’annonce s’ajusterait selon votre réaction visuelle, le contenu changerait en fonction de votre intérêt, le design évoluerait pour retenir votre attention quelques secondes de plus.
Autrement dit, votre regard deviendrait la manette invisible de votre environnement numérique.
Et plus inquiétant encore : cette technologie pourrait être utilisée pour renforcer la logique des “bulles de filtre”.
Imaginez une réalité virtuelle où votre champ de vision conditionne les informations que vous recevez.
Regardez trop souvent un type de contenu, et l’algorithme n’affichera plus que cela.
Vous seriez littéralement enfermé dans un univers façonné par vos propres fixations, une chambre d’écho immersive où chaque regard renforce le biais du précédent.

Entre innovation et intrusion



Comme toute avancée technologique, l’eye-tracking n’est ni bon ni mauvais en soi.
Tout dépend de son usage, et surtout, de la gouvernance des données qu’il génère.
Les spécialistes en éthique numérique alertent : le regard est une information intime, car il échappe en grande partie à notre contrôle conscient.
Sa collecte soulève des questions fondamentales :
• Qui détient ces données ?
• À quelles fins seront-elles utilisées ?
• Peut-on réellement “anonymiser” le regard d’un individu ?
La tentation économique est forte : le regard, plus que le clic, mesure l’attention avec une précision inédite.
Et dans un monde où l’attention est devenue la monnaie la plus convoitée, savoir où se pose la vôtre, c’est détenir un pouvoir.

Vers une éthique du regard



L’eye-tracking incarne le futur d’une économie visuelle où l’attention est cartographiée, mesurée, exploitée.
Mais ce futur ne doit pas se construire sans garde-fous.
Il nous faut inventer une éthique du regard — un cadre qui garantisse que ces technologies servent la compréhension et non la manipulation.
Car voir, c’est déjà partager quelque chose de soi.
Et dans l’ère numérique, ce que nos yeux dévoilent pourrait bientôt valoir bien plus que ce que nous disons.